Les lettres de 2010
Un mariage non-consommé au XIè siècle
Comment fait-on pour donner le goût de la lecture à mon fils qui n'aime pas lire ?
Petite histoire de la ceinture de chasteté
Simuler l'orgasme
Parler pendant l'amour
Le Dieu de la Bible, modèle des maris jaloux violents ?
Janvier-Février 2010
Un mariage non-consommé au XIè siècle
À soixante ans, le père abbé Guibert, supérieur de l’abbaye de Nogent, écrit sa propre biographie. Il la débute par le récit de la formation du couple de ses parents, vers 1040. Mariés très jeunes (elle, notamment, n’avait pas fini de grandir), les futurs parents de Guibert ne parviennent pas à consommer leur mariage. La situation est attribuée à un sort jeté par une mère jalouse, et l’on recourt à des exorcismes : en vain. La famille du mari, dans l’attente d’un héritier pour les biens, mettra une maîtresse dans ses bras afin de vérifier s’il était le responsable de l’échec : il a avec cette femme des rapports, et un enfant. La famille se retourne donc contre l’épouse et la harcèle, soit pour qu’elle accepte enfin les rapports, soit pour qu’elle rentre chez les siens, mais en abandonnant tous ses biens propres. Certains hommes tentent même d’être le premier à vaincre l’obstacle. Au bout de sept ans, le couple finit par avoir des rapports, et commence à avoir des enfants, ce qui est attribué à l’art d’une vieille femme plus habile que les autres…
Au XIè siècle, tout compte fait, la vie intime d’un couple de l’aristocratie n’est pas une affaire privée, mais intéresse l’ensemble du lignage.
Un autre élément intéressant à constater est que, son père étant mort quand il avait huit mois, Guibert ne peut tenir tous ces renseignements que de sa mère.
Voyons comment un abbé sexagénaire rapporte les confidences de sa mère à son dernier fils sur les débuts de la vie sexuelle de son couple…
« Dès le début de la légitime union de mes parents, la consommation de l’acte conjugal se trouva empêchée par les maléfices de certaines gens. Leur mariage avait fait, à ce qu’on m’a dit, l’objet de la fureur jalouse d’une marâtre qui, ayant des nièces aussi belles que bien nées, avait manigancé d’en installer une au lit de mon père. Mais, ce dessein ayant totalement échoué, on dit qu’elle s’employa ensuite, par de coupables artifices, à ce que l’effet du mariage fût absolument empêché. Ce fut ainsi que ma mère, sept ans entiers, conserva intacte sa virginité et, tandis qu’un si grand malheur demeurait enfoui sous un profond silence, finalement ce fut mon père qui, convoqué par sa parenté, révéla le premier la chose. Je vous laisse à penser de combien de manières ces parents s’employèrent alors à les faire divorcer, et avec quel zèle ils conseillèrent à mon père, alors jeune et peu avisé, de s’engager dans la vie monastique… avec le dessein de s’emparer de ses terres. Toutefois, comme ces suggestions qu’ils faisaient ne rencontraient aucun succès, ils se mirent à accabler de leurs continuels aboiements la jeune fille, en s’imaginant que celle-ci, éloignée de sa propre famille, à force d’être meurtrie par les persécutions des gens qui lui étaient étrangers, s’en irait d’elle-même, lassée de tant d’injustice, sans qu’il fût question de répudiation…
D’autre part, certains hommes très riches, ayant appris qu’elle était privée de l’expérience conjugale, entreprirent d’émouvoir ce jeune cœur…
On la menaçait continuellement de dissoudre son union avec mon père et de la donner à un autre époux, ou bien de l’exiler chez certains de mes parents éloignés…
Pendant plus de sept ans donc se déroulèrent les maléfices au moyen desquels était totalement empêchée la consommation d’un lien naturel et légitime ; on peut bien croire que, comme des tours de passe-passe arrivent à perturber le sens de la vue (en sorte que les prestidigitateurs vous font voir certaines choses là où il n’y a rien, oserai-je dire, ou vous font prendre ceci pour cela), ainsi les forces en question et les activités amoureuses sont incomparablement plus faciles à contrarier. Cela se pratique fréquemment dans le peuple, et des êtres fort ignorants ont l’art de le faire. Mais enfin une vieille femme mit un terme à ces mauvais artifices, et ma mère désormais se soumit aux devoirs de la couche conjugale avec autant de fidélité qu’elle en avait démontré en préservant longtemps sa virginité, malgré tant de pressantes remontrances. » (Guibert de Nogent, Autobiographie, Les Belles Lettres, 1981)
Mars-avril 2010
Comment fait-on pour donner le goût de la lecture à mon fils qui n'aime pas lire ?
Question posée par Elisabeth Noguellou elisabeth.noguellou@uhb.fr
... Le rôle d'une mère est d'éduquer son enfant, et l'amour de la lecture fait bien partie de cet apprentissage. Il est donc normal qu'une jeune mère s'inquiète de ce problème. Mon conseil se résume en deux mots : adaptation et initiation. Il va falloir transformer les lectures de votre enfant en une initiation vers des lectures plus riches et reconnues. Dès son plus jeune âge, quand vous racontez "Cendrillon" à votre fils, expliquez-lui ceci : "Tu sais, mon patouchon, selon Bruno Bettelheim dans un autre merveilleux livre que je te conseille de lire, lorsque le prince met la chaussure au pied de Cendrillon, cela agit sur ton subconscient ; et la chaussure représente le vagin de la fille, et le pied ton sexe. Cela va t'aider à régler tes problèmes oedipiens d'écouter ce conte". Votre enfant sera alors très heureux, et mourra d'envie que vous lui lisiez "Psychanalyse des contes de fées", de Bruno Bettelheim. Le goût pour la lecture est alors bien en marche ! Ne vous arrêtez pas en si bon chemin ! Quand il se met à lire "Picsou Magazine" ou Mickey Parade, simulez des fous-rires avec lui et glissez quelques commentaires à propos de Molière qui fait des blagues "bien plus poilantes", et présentez-lui une comparaison entre "l'Avare" et "Picsou", (et citez-lui les extraits les plus drôles : "Ma cassette ! On m'a volé ma cassette !!!"). Quand vers 15 ans, il se met à lire "Stephen King", parlez-lui d' "Elephant-man", ou bien de "Bob Morane", grands classiques des livres d'horreurs, qui peuvent concurrencer les pires scènes d'horreurs de cet "auteur" américanisant. S'il vous répond "Maman, j'en veux pas de tes livres à 2f50", ne répondez rien ! Souriez, un jour ou l'autre, intrigué par votre proposition, il feuillettera ces grands classiques. Enfin quand vers 18 ans, il se met à lire en secret des magazines style "Playboy" ou "Pentouse", ne vous inquiétez pas ! Glissez un exemplaire d' "Histoire d'O" sous son lit, il appréciera votre petite contribution à son amour pour la lecture. Voilà, ce n'est pas beaucoup plus compliqué que cela. Si vous accomplissez ces quelques tâches, je peux vous assurer que votre enfant aura une culture littéraire aussi riche que la mienne !
(Trouvé par hasard sur le Web :
http://perso.magic.fr/morganno/morganno/oct98.htm )
Mai-juin 2010
Petite histoire de la ceinture de chasteté
La ceinture de chasteté n'est que l'un des moyens utilisés par les humains depuis fort longtemps pour interdire le rapport sexuel (la pénétration vaginale) à certains des leurs.
Contrairement à la légende, elle n'existe pas au Moyen Âge, et les Croisés ne purent donc pas l'imposer à leurs épouses restant au foyer.
Elle se répand du XVIè au XVIIIè siècle comme protection volontaire contre le viol, ainsi que comme garantie, volontaire ou non, de la fidélité.
Au XIXè siècle, la ceinture de chasteté évolue dans trois directions, pour trois usages :
1- comme moyen d'imposer la fidélité aux femmes, ou de protéger la virginité des jeunes filles ;
2- comme instrument de jeu sexuel, dans le contexte de la prostitution et des maisons closes ;
3- comme instrument de lutte dans le nouveau combat, l'éradication de la masturbation.
À la fin du XXè siècle, et au début du XXIè, si l'utilisation dans la lutte contre la masturbation est toujours présente (cf. certaines publicités américaines), elle est devenue très marginale.
La ceinture de chasteté est en effet essentiellement utilisée aujourd'hui dans le jeu sexuel, de façon de plus en plus ludique et de moins en moins sado-masochiste. Elle tend à rejoindre ainsi les sex toys dans la panoplie des objets permettant la fantaisie dans la sexualité complice des couples.
Le jeu en général est plus intéressant quand la règle impose des interdits. Par exemple, jouer avec un ballon sans le toucher avec les mains (football), en ne le touchant qu'avec les mains (volley-ball, handball), en ne le touchant qu'avec une raquette (tennis)... est bien plus intéressant que si on peut faire n'importe quoi. Et en sexualité : en s'attachant les mains (au lit, dans le dos...), en se cachant les yeux, en s’interdisant la pénétration vaginale, etc. De plus, alors que l'idée reçue est que la sexualité c'est la pénétration vaginale, s'interdire la pénétration amène à se contraindre à être particulièrement inventif pour imaginer d'autres jeux qui procureront aussi excitation et jouissance. Enrichir un comportement par le jeu est la caractéristique de l'espèce humaine.
Comme témoignage de l'apparition tardive de la ceinture de chasteté, il y a cette anecdote racontée par Brantôme, où il montre des seigneurs du XVIè siècle découvrant cet objet... et ne l'appréciant pas du tout !
" Du temps du roi Henri II, il y eut un certain quincailler qui apporta à la foire de Saint-Germain une douzaine de certains engins pour brider le sexe des femmes, engins qui étaient faits de fer, les entouraient comme une ceinture, passaient par le bas et se fermaient par une clé ; si subtilement faits qu'il n'était pas possible que la femme, une fois cadenassée, puisse s'adonner au doux plaisir, n'ayant que quelques trous menus pour servir à pisser.
On dit qu'il y eut quelque cinq ou six maris jaloux fâcheux qui en achetèrent et en bridèrent leurs femmes... On dit aussi qu'il y eut beaucoup de galants gentilshommes de la cour qui menacèrent le quincailler de le tuer s'il se mêlait de présenter à nouveau de tels appareils : qu'il jette tous les autres dans la fosse d'aisance ! Ce qu'il fit, et depuis il n'en fut plus jamais parlé. "
(Les Dames galantes, Premier Discours)
Juillet-août 2010
Pour quelles raisons simuler l'orgasme ?
Les femmes sont nombreuses à reconnaître qu'elles simulent ou ont simulé avoir un orasme pendant les rapports sexuels. Les raisons invoquées prouvent que, jusqu'au plus fort de l'intimité, les hommes n'inspirent pas une confiance suffisante à celle qu'ils sont en train de pénétrer, au point que celle-ci choisit de leur mentir plutôt que d'expliquer vraiment ce qu'elle vit.
C'est-à-dire que dans l'étreinte beaucoup de femmes se sentent seules, ne peuvent partager la réalité de leur vécu, confier ce qu'elles éprouvent. Le coït comme fusion du couple ou comme preuve que le mythe est un leurre, parce qu'il renvoie les femmes à leur solitude et à la différence insurmontable des sexes ?
En effet, le constat est rude, et les femmes simulent souvent par manque de confiance dans la bienveillance de l'homme :
- par peur des représailles masculines,
- sinon j'ai droit à des questions sans fin,
- pour avoir la paix,
- par peur des remarques blessantes,
- lorsqu'il n'y a rien d'agréable, pour que cela s'arrête au plus vite,
- pour terminer le calvaire,
- parce qu'un homme est rarement capable de se remettre en question,
- pour ne pas créer de dispute...
L'intimité physique n'est pas gage d'abandon, pour le moins !
D'autres désirent ne pas vexer l'homme ou le rassurer :
- pour faire en sorte qu'il ne se sente pas nul,
- en cas de partenaire pas doué,
- pour satisfaire son ego,
- pour ne pas les renvoyer à leur incapacité...
Mais comme le précise l'une, quelle condescendance, sinon quel mépris ! Et pour l'homme qui est en elles !
Certaines pensent d'abord à elles, et simulent :
- pour faire croire que j'étais " normale ",
- par culpabilité,
- pour ne pas avoir l'air frigide...
Parfois la simulation est un jeu qui nourrit l'excitation et fait jouir plus vite et mieux :
- pour alimenter et pimenter le jeu,
- pour exprimer au partenaire ce qui se passe à l'intérieur,
- pour l'exciter un peu,
- cela provoque parfois l'orgasme...
Finalement, il peut exister de bonnes raisons de simuler, mais certaines simulations sont le reflet de l'incompréhension des sexes, pour ne pas dire de leur lutte, et certaines traduisent le mal être des femmes devant une sexualité qu'elles ne maîtrisent pas.
La simulation de l'orgasme, un bon repère pour faire le point sur sa sexualité et sur la qualité de son couple.
Septembre-octobre 2010
Les mots d’amour sont-ils le meilleur des aphrodisiaques ?
Se parler pendant les jeux sexuels est une des composantes de la sexualité humaine, et comme toutes les autres composantes celle-ci n’est pas obligatoire et relève simplement du goût personnel et du choix du couple. La présence de cette composante n’est pas une caractéristique de plus grande qualité, comme son absence, d’une qualité insuffisante. (C’est la même chose pour le moment, le lieu, la position, l’ordre des séquences, etc.)
(La sexualité humaine n’ayant plus rien de « naturel », plus rien d’imposé par l’instinct, toutes ses composantes relèvent des habitudes créées par les apprentissages et les choix individuels, d’abord, puis ceux du couple quand deux individus choisissent de mettre en commun leur expérience).
Pourquoi se parler en sexualité ?
pour dire à l’autre ce que l’on veut qu’il nous fasse, lui proposer un jeu.
Pour faire comprendre à l’autre ce que l’on ressent, ses émotions, son excitation.
Pour dire à l’autre ce que l’on pense de lui, de son corps, de son action.
Pour s’exciter et exciter l’autre, le provoquer, faire monter la tension…
Pour raconter des histoires afin de fantasmer et de faire fantasmer…
Pour créer un monde à soi, créer l’intimité du couple, avoir un code secret (par exemple, dans Proust Un Amour de Swann, Swann et Odette disent « faire catleya » pour « faire l’amour », parce que cela évoque un moment intime de leur histoire, que eux seuls connaissent).
Le « bruitage » en sexualité peut aller de la simple respiration plus forte, aux soupirs, halètements, gémissements, cris inarticulés, jusqu’aux paroles articulées, simples cris (oui…, encore…, continue…), expressions réduites (vas-y…, plus fort…) ou longues phrases articulées…
La question ne se pose pas…
Dans le couple, la question de « parler » ne se pose pas si le couple est en harmonie sur le comportement qui est alors le sien, mais peut devenir un poison si l’un des deux n’est pas (ou n’est plus) satisfait du choix actuel.
Les « cas de figure » quand il n’y a pas de problème sont :
Les 2 sont muets (ou pas de parole articulée) : le langage des corps leur suffit. Ils y trouvent une plus grande concentration sur leur désir et leur plaisir, sur leurs émotions. Parler est une activité « intellectuelle », qui nécessite donc une attention de la raison, pour réfléchir à ce que l’on dit, surveiller ses paroles en fonction de ce que l’on connaît de la sensibilité de l’autre. Par exemple, ne pas s’écrier « Faustine » quand on est avec Camille… Pour beaucoup de personnes, ce côté « rationnel » ne permet pas l’abandon, de perdre la tête…
Les 2 ou l’un des deux aiment dire des mots doux, se laisser bercer par les mots de l’autre…
Les 2 ou l’un des deux aiment les mots crus, se provoquer, provoquer l’autre, être provoqué.
Les 2 ou l’un des deux aiment raconter des histoires, fantasmer sur des situations ou des comportements impossibles, jouer en imagination avec leurs appréhensions, leurs peurs, leurs dégoûts…
Si les deux n’ont pas les mêmes goûts, se pose le problème de l’adaptation, mais ni plus ni moins que pour adapter les goûts en horaires, lieux, positions actes, séquences, etc.
Qui doit changer ? Peut-on changer d’habitudes sexuelles ?
Comme il n’y a pas de norme sexuelle, il n’y a pas d’obligation de changement défini à l’avance.
Les plaintes peuvent être :
je voudrais des mots doux alors que l’autre reste silencieux.
Je voudrais des mots doux alors qu’il n’y a que des mots crus.
J’aimerais des mots crus alors qu’il n’y a que le silence (ou des mots doux).
Je voudrais le silence alors qu’il y a un flot de paroles…
Par exemple :
il me dit des mots crus et moi ça me bloque, je n’arrive pas à me concentrer et à décoller.
Il me dit des mots doux, et il croit que ça va m’exciter !
Elle ne dit rien, et je ne sais pas du tout si ce que je fais est adapté ou pas…
Pourquoi a-t-on des difficultés à changer ses habitudes, notamment à se mettre à parler quand on ne le faisait pas ?
parce que parler demande une certaine attention, et qu’il est alors impossible pour beaucoup de personnes de vivre son excitation en même temps.
Parce que les mots sont explicites, et que l’on est pudique, on préfère rester dans un certain flou, faire comprendre les choses indirectement.
Parce que l’on a peur d’être jugé sur ce que l’on a exprimé clairement, que l’autre se dise : c’est tout ce qu’elle ou il a à dire ? c’est tout ce qu’elle ou il ressent ? c’est ça qu’elle ou il vit, pendant que je caresse ? c’est ça qu’elle ou il veut ? mais il faut être tordu(e) pour dire ça ? comment peut-on penser à ça en ce moment ?…)
Changer suppose un minimum de confiance en soi. Si on doute de ses compétences, il sera difficile d’envisager de se mettre encore plus à nu en parlant.
Parce que la routine est rassurante. On connaît le chemin, on peut se laisser aller, on n’a pas à se poser de questions. C’est dans la répétition de ce qu’elles maîtrisent bien que beaucoup de personnes peuvent s’épanouir.
Parce que changer suppose un esprit de joueur ou une prise de risque : jeu d’exploration des autres possibilités de plaisir, goût de la variété. Ou curiosité de l’inconnu, de l’inédit, de ce qui est en marge, aux limites. Derrière les limites ? Or tout le monde n’est pas joueur, tout le monde n’a pas le goût du risque…
Pourquoi pourrait-on envisager de se mettre à parler pendant l’amour ?
Parce qu’on pourrait se dire qu’il est dommage de ne pas utiliser en sexualité la caractéristique humaine par excellence qu’est le langage. Dans beaucoup d’activités humaines le langage est soit indispensable, soit apporte une qualité que les échanges des animaux n’ont pas. Dans beaucoup de jeux, le langage a un rôle essentiel. On peut dire infiniment plus de choses par les mots, avec infiniment plus de nuances, que de toute autre façon. Notre espèce a cultivé le langage et a abouti à ce que les mots aient un impact sur notre cerveau, nos hormones, donc nos émotions (par exemple, les mots de la mère pour calmer les pleurs de l’enfant). Aucune biche ne peut par ses regards, un frétillement de croupe ou un cri provoquer l’érection de son mâle quand ce n’est pas la période de rut : alors qu’une femme peut y parvenir par un « tu viens, chéri » dit avec le ton qu’il faut…
Alors pourquoi se priver de cette ressource mise au point par des milliers de générations humaines depuis la nuit des temps ?
Mais, encore une fois, quand il s’agit de sexualité humaine, aucun comportement n’est obligé pour que tel individu ou tel couple soit totalement épanoui.
Novembre-décembre 2010
Le Dieu de la Bible, modèle des maris jaloux violents ?
On nous dit que les principes de moralité se trouvent dans la Bible. Voyons donc ce que l'on nous y conseille quand nous nous trouvons dans une situation d'infidélité de la personne que nous aimons et à qui nous nous sommes liés par un engagement réciproque.
Cette situation a en effet été vécue à plusieurs reprises par le Dieu de la Bible, qui a établi un pacte avec son peuple, les Hébreux, pacte par lequel il s'engageait à protéger son peuple en échange d'un culte exclusif que celui-ci lui vouerait : " C'est moi Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte... Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi " (Exode, 20, 2-3).
Et ce dieu poursuit : " Je suis un Dieu jaloux, qui punit la faute des pères sur les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants pour ceux qui me haïssent, mais qui fait grâce à des milliers, pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements " (20, 5-6).
Nous nous trouvons ainsi devant une particularité : l’Ancien Testament ne raconte pas d’histoires de maris ou d’épouses en prise à la jalousie, car le couple n’y est fondé ni sur l’amour ni sur un engagement réciproque, mais sur l’acquisition d’un bien par un homme. Alors que le Dieu d’Israël peut être jaloux car il y a un contrat entre son peuple et lui, un engagement réciproque : l’idolâtrie est donc une infidélité à cet engagement (alors qu’il n’y a à cette époque aucun engagement de fidélité entre époux).
Autre caractéristique, cette jalousie de Dieu est liée à sa colère et à des châtiments fermes, voire très violents.
Déjà l’énoncé du Deuxième Commandement signalait une rancune tenace : « … (un Dieu jaloux) poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois ou quatre générations… » (Exode 20, 5).
Par la suite, un grand nombre d’occurrences lient jalousie et colère, comme par exemple « le Seigneur ton Dieu est un Dieu jaloux. Prends garde que la colère du Seigneur ton Dieu ne s’enflamme contre toi, et qu’il ne t’extermine de la surface de la terre » (Deutéronome, 6, 15) ; ou encore : « ils verront ton zèle pour le peuple, et ils seront confondus, dévorés par le feu destiné à tes ennemis » (Isaïe 26, 11). La colère amène le châtiment, qui peut être aussi la mutilation (« j’exercerai ma jalousie contre toi ; ils agiront envers toi avec fureur ; ils te couperont le nez, les oreilles, et ce qui subsistera de tes habitants tombera par l’épée » Ézéchiel, 23, 25) ou une série de catastrophes naturelles (« Dans ma jalousie, dans le feu de ma furie, je le dis : oui, ce jour-là, il y aura un grand tremblement de terre sur le sol d’Israël. … chacun tournera l’épée contre son frère. J’exercerai le jugement contre lui par la peste et par le sang ; je ferai pleuvoir sur lui … une pluie diluvienne, du grésil, du feu et du soufre » Ézéchiel 38, 19-22).
Ce sont de tels textes qui, dans notre civilisation, amèneront un comportement indulgent envers les excès de brutalité des jaloux, puisqu’après tout Dieu lui-même donne l’exemple, et être sous l’emprise de la jalousie quand on frappe ou tue a longtemps été considéré comme une circonstance atténuante.
La preuve est faite, nos modèles de moralité sont bien dans la Bible...
(cf. Sexualités Humaines, Revue de sexologie des professionnels de santé, n°3, octobre-novembre-décembre 2009, DOSSIER sur la Jalousie amoureuse)
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