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Le crime d'Onan


L'histoire d’Onan sert depuis le XVIIIe siècle de justification à la condamnation de la masturbation.

Rappelons cette anecdote de la Genèse.


Son fils aîné étant mort en laissant une femme sans enfant (Tamar), Juda demanda à son autre fils, Onan, de lui assurer une descendance :


Juda dit alors à Onan : « Va vers la femme de ton frère. Agis envers elle comme le proche parent du mort et suscite une descendance à ton frère. » Mais Onan savait que la descendance ne serait pas sienne ; quand il allait vers la femme de son frère, il laissait la semence se perdre à terre pour ne pas donner de descendance à son frère. Ce qu'il faisait déplut au Seigneur qui le fit mourir, lui aussi. (Gen. 38,8-10)


Juda demanda alors à Tamar de retourner vivre chez son père jusqu'à ce que son troisième fils soit assez grand pour accomplir son devoir.


Donc Onan a été puni de mort par Dieu pour ne pas avoir obéi à la loi du lévirat : « Si des frères habitent ensemble et que l'un d’eux meure sans avoir de fils, la femme du défunt n'appartiendra pas à un étranger, en dehors de la famille ; son beau-frère ira vers elle, la prendra pour femme et fera à son égard son devoir de beau-frère. Le premier fils qu'elle mettra au monde perpétuera le nom du frère qui est mort ; ainsi son nom ne sera pas effacé d'Israël. » (Deutéronome 25, 5-6)

Pour ne pas susciter un héritier rival de ses propres enfants, Onan choisit de se retirer et d’éjaculer à terre lors de ses rapports avec Tamar. Il ne s'agit pas de masturbation, mais de retrait avant éjaculation, méthode contraceptive aussi ancienne que banale.

La colère divine ne vise donc pas le moyen utilisé, mais le but de l'action : non le retrait en soi, mais le refus de faire un enfant à sa belle-sœur (cf. la formulatin de 38, 9-10).


Cependant la punition est étonnante : dans le Deutéronome, au chapitre 25 où est édictée la loi du lévirat, le refus d'assurer la descendance de son frère décédé se sanctionne seulement par une cérémonie publique où la veuve déchausse son beau-frère, signifiant par là qu'il perd tout droit sur elle. C'est bien ainsi que les protagonistes agissent dans le livre de Ruth : l'homme qui devrait hériter de Ruth, veuve, se déchausse afin de transférer son droit à un autre, à qui il dit : « je ne puis pas exercer mon droit car je craindrais de nuire à mon propre héritage. Exerce pour ton compte mon droit de rachat » (Ruth 4, 6-8).


La condamnation à mort est donc excessive et ne s'appuie sur aucune justification dans la Bible. Et même elle s'oppose aux injonctions du Lévitique qui condamne les rapports sexuels avec la femme de son frère comme impureté avec en châtiment l'exclusion (18,16) ou le mariage avec elle, puni de stérilité (20,21). Or Juda demande à Onan de prendre pour femme sa belle-soeur et d'avoir des rapports avec elle ! On ne doit pas pouvoir restreindre ces interdictions aux cas où le frère serait toujours vivant, mariage et rapport devenant possibles une fois le frère mort. Car, pour les autres interdictions qui entourent celle-ci, cela donnerait : on peut avoir des rapports avec la femme de son père après la mort de celui-ci, avec la fille de son fils quand il est décédé, ou avec la fille d'une femme de son père devenu veuf, etc. Ce qui ne semble pas du tout dans l'esprit du passage.


L'épisode est donc particulièrement ambigu.


Quoi qu'il en soit, l'utilisation de cette anecdote pour affirmer que Dieu condamne toute manoeuvre qui interdirait aux rapprochements sexuels d'être procréatifs n'est qu'un abus par généralisation d'un texte dont la visée est très limitée : il se contente d’affirmer en effet qu'Onan ne cherche qu'à fuir le risque de donner des concurrents à ses propres héritiers, et que c'est précisément cela que Dieu punit. Comme la loi du lévirat ne concerne plus du tout notre société, l'histoire d'Onan ne peut avoir, pour les croyants d'aujourd'hui, qu’une valeur anecdotique.


De plus, l'histoire de Tamar, la veuve, ne s'arrête pas là. Comme Juda ne tient pas sa promesse d'envoyer près d’elle son troisième fils, elle se voile comme une prostituée, se fait repérer par Juda, a des rapports avec lui, et se retrouve enceinte. Quand elle découvre la vérité à Juda, celui-ci lui donne raison parce que lui-même n'a pas tenu sa parole. Et Dieu récompense Tamar en lui donnant des jumeaux (38,13-30) !


Si l'histoire d'Onan doit servir de référence de conduite aujourd'hui, il serait totalement illogique de la morceler et d'oublier que, si Dieu punit Onan d'avoir refusé une descendance à sa belle-soeur, il récompense celle-ci d'avoir assuré sa descendance en couchant avec son beau-père.


Quant au mot onanisme, il a été inventé au XVIIIe siècle. L'anglais Bekker, afin de donner plus de poids à son traité contre la masturbation a voulu attribuer une origine biblique à la condamnation de cette pratique. Il a choisi le nom d'Onan, liée à une anecdote sexuelle, même si le comportement visé dans ce passage n'avait rien à voir avec la masturbation puisqu’Onan avait un rapport sexuel avec sa belle-soeur. Et Bekker intitula son livre : Onania, ou le péché infâme de la souillure de soi... Il s'agit là d'une escroquerie intellectuelle. Samuel Tissot, en 1770, s'inspira de cet ouvrage pour rédiger son traité : L'Onanisme. Dissertation sur les maladies produites par la masturbation. Lausanne.

La suite, avec le succès du traité, fit la fortune du mot.


Yves Ferroul

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